jeudi 9 avril 2009

Les difficultés de la lecture littéraire.

  • Quelles difficultés rencontrent les élèves pour lire les textes littéraires?

- Difficulté à saisir la permanence des personnages dans le récit : le personnage se construit dans l'ensemble du récit. Il s'agira donc de faire reconstruire la chaîne des désignations des personnages.

- Difficulté à synthétiser les informations : en effet, un personnage, c'est à la fois:
- un être (ses désignations, sa description...)
- un dire (ses paroles, ses pensées...)
- un faire (par exemple, un mobile pour atteindre un but, un plan, des moyens, une issue...)
Ce personnage est cohérent : par exemple, entre les éléments qui expriment son nom, ceux qui s'expriment dans sa description physique et morale. Or, les lecteurs en difficulté ne lisent pas les descriptions, ils considèrent que la description est sans justification dans l'histoire, ils n'anticipent pas, ils n'interrogent pas le nom...

- Difficulté à saisir la logique des parcours narratifs : par exemple à saisir le but poursuivi par le ou les personnages. Or, c'est la connaissance du but qui engage les anticipations sur les issues (cf. "La lune doit disparaître" Ecoles des Loisirs : quel est le but des voleurs?). Dans la lecture, il est essentiel d'identifier le but du personnage principal.

- Difficulté à reconnaître le stéréotype du personnage, c'est-à-dire l'ensemble des traits et des comportements codifiés qui appartiennent à une culture. Par exemple, le stéréotype de l'avare (collection Bonhomme), qui n'est pas encore construit au C.P., car les référents culturels n'y sont pas.

Il est donc conseillé, en même temps que le texte est découvert, de faire un travail de nourrissage culturel, afin de construire le stéréotype du personnage, cela peut se faire à partir d'un" réseau de textes" (si l'on fait référence à l'avare, ce sera Picsou, des fables...) On construit alors avec les enfants des oppositions de personnages, en leur demandant comment ils les imaginent, on construit des portraits-robots qui seront les stéréotypes. C'est ce travail qui permettra d'anticiper dans la lecture du texte, d'obtenir des interprétations fines, c'est le contraire du travail impatient dans l'urgence, du type apprentissage de la liaison graphie-phonie
- Difficulté à surmonter les obstacles psycho-affectifs (cf. "le poussin noir"). Par exemple l'humour noir qui n'est pas accepté.
- Difficulté à concevoir les relations entre les personnages : les désignateurs posent problèmes aux enfants (ex :"son frère..."). Ceux-ci ont du mal à cerner le réseau des personnages, c'est ce qui provoque l'abandon du livre... Les alliances et les oppositions entre les personnages sont difficiles à percevoir. Exemple : si l'enfant considère que voler c'est mal, qu'aider c'est bien, et si le voleur en vient à aider le héros, il sera lu comme opposant au héros...

- Problèmes liés à la méconnaissance du genre du texte. Toute oeuvre appartient à un genre, qui constitue un "horizon d'attente". C'est ce qui permet l'expectation. Au-delà du genre du livre, il y a le genre des personnages, le genre des modes de narration, les lieux-types (ex : la forêt..), les formules-types (il était une fois...), les moments-types (le crépuscule...), les expressions-types, les scènes-types (le duel dans le western) etc... Il faut construire culturellement ces genres.



    • Face à ces difficultés quels textes choisir?
    Réfléchir sur les critères de choix implique la prise en compte d’une double postulation de la littérature de jeunesse selon C.Posliane qui se trouve être à la fois un outil édifiant, didactique entraînant une lecture fermée et une œuvre artistique entraînant une lecture ouverte, à laquelle correspond un traitement différent des instances littéraires.

    Il serait, par ailleurs, erroné de penser que lire en cycle 1suppose simplement une lecture fermée (narration saturée, personnages emblématiques, écriture univoque, message explicite…) , que de très jeunes lecteurs ne peuvent avoir accès à l’implicite, au symbolique, au lacunaire, à l’équivoque.

    Il ne faut donc pas se contenter de séries réservées aux petits mais ne pas hésiter à choisir des albums plus complexes, des textes que Catherine Tauveron nomme des textes résistants.

    Elle définit deux types de textes résistants :
    - des textes dits « réticents », c’est-à-dire des textes qui posent des problèmes de compréhension, des textes qui « enrayent les automatismes récurrents de l’intrigue », des textes qui jouent avec le lecteur en créant volontairement une énigme. Les textes résistants conduisent donc le plus souvent le lecteur à une compréhension erronée et c’est cela qu’il est intéressant d’expliciter en classe.

    Bref, ces textes « jouent à cache- cache » en dissimulant volontairement des faits. Ces textes en disent moins que ce qu’ils pourraient ou devraient dire. Ils laissent volontairement subsister des trous afin que le lecteur cherche à les combler. Pour ce faire, celui-ci ne peut pas s’appuyer sur le contexte. C’est ce qui oblige à l’interaction lecteur-texte.
    En classe, c’est l’enseignant qui fait ce travail de remplissage, rarement le lecteur.

    Des textes dits « proliférants », c’est à dire des textes qui appellent des interprétations, des textes à lecture plurielle où l’on peut émettre plusieurs hypothèses interprétatives.
    Il y adeux types d’interprétations possibles :

    Interprétation --> compréhension de l’intrigue


    Conclusion :
    Les textes résistants permettent un jeu avec les élèves, le maître devient alors le lanceur du jeu, il prévoit des situations problèmes en manipulant le texte afin que les élèves soient face à un obstacle qu’ils n’auraient pas vu seuls.
    Cette situation problème peut être :
    Donner ou non le titre de l’album, montrer toutes les images, montrer tout le texte, etc.…ainsi se pose la question du dispositif à mettre en place pour présenter le texte littéraire choisi.

    Ce dossier reprend une conférence de Catherine Tauveron de février 2000 donnée à Châlons-en-Champagne.
    Certains aspects de l'exposé sont développés dans la revue REPERES n° 19

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